Le Flamenco est en deuil...el Niño Miguel, la légende du Flamenco nous a quitté.
Né en 1952, Miguel Vega Cruz 'El Niño Miguel' est le fils du guitariste Miguel "El Tomate" et l'oncle de Tomatito. A la fin des années 70, ce jeune prodige fait entrer le style gitan dans la modernité, bousculant les hiérarchies établies dans la guitare Flamenca. Tout au long de sa carrière, il enregistrera deux albums : 'Guitarra d' El Niño Miguel' (1975), Diferente (1976) qui seront réédités en 1999 sous le titre '‘Grabaciones históricas, El flamenco es universal. Niño Miguel’, puis en 2006 sous le Label Universal Music Spain. Sa légende est encore vivante, comme au temps de sa gloire.
Réalisés par Benoît Boblet, G. Chechu Barlanga et Anabelle Ameline Trois documentaires intitulés respectivement "Huelva Flamenca"(2007), "La sombra de las cuerdas" ("L'ombre des cordes") (2009) et "El Niño Miguel en concierto" (2011) sont consacrés à cet artiste et qui est l'un des plus grands guitaristes Flamencos de tous les temps. Dans la première période de sa vie, au sommet de son art, Niño Miguel impressionne même Paco de Lucia qui reconnait en lui "un guitariste exceptionnel, le seul capable de lui faire de l'ombre". Ses toques sont des torrents d’idées mélodiques et rythmiques, à la limite de l’improvisation. C'est un "Miracle sonore" diront même certains mélomanes. Après une époque de gloire, Miguel vit une descente aux enfers due à sa dépendance à la drogue et à ses problèmes psychiques, séquelle d'une enfance sacrifiée au profit de la guitare. Marginalisé par son instabilité mentale et, malgré les efforts constants de sa famille pour lui venir en aide (aide qu'il refusait toujours), depuis une dizaine années, Niño Miguel errait dans les rues de Huelva. Pour survivre, il écumait les bars de sa ville en jouant pour quelques pièces avec sa guitare à trois cordes. Son destin croise celui de Benoît Bodlet, aficionado et réalisateur Lillois. Celui-ci côtoie Miguel pendant plusieurs années et l'amitié qui se crée entre eux met un jour le réalisateur face à une évidence: cet immense artiste doit retrouver la place qu'il mérite. Conscient de l'état de santé de Miguel et du fait qu'il peut disparaitre à tout moment, il faut agir de toute urgence, pense-t-il et c'est ainsi qu'avec G. Chechu Barlanga et Anabelle Ameline , Benoît réalise en 2007 un premier documentaire "Huelva Flamenca", dans lequel El Niño Miguel apparait avec sa guitare, jouant “El Emigrante” et une Alegría. Puis, un deuxième documentaire sort en 2009, "La sombra de las cuerdas", dans lequel il retrace avec sensibilité et délicatesse le parcours artistique de ce guitariste. Prix du meilleur documentaire Mostra de Valencia 2010, "La sombra de las cuerdas" relate l'histoire tourmentée de Miguel et regroupe des témoignages poignants des membres de sa famille, d'amis et de grands artistes qui l'ont côtoyé ainsi que des passages filmés où l'ont suit Miguel dans son quotidien. Miguel livre avec naturel et en toute sincérité sa fragilité, ses émotions, son vécu. La présence de la caméra ne semble pas changer son comportement. A peine remarque-t-il qu'il est filmé. Frêle et émouvant quand il parle, il est détaché du regard que l'on pourrait porter sur lui; il semble presque s'excuser d'être là. Mais lorsque ses doigts parcourent le manche de sa guitare diffusant des sons bruts et des magnifiques mélodies, c'est avec assurance et un sens du compas inouï qu'il s'exprime; parfois, une expression d'égarement se dessine sur son visage alors que ses mains, d'instinct, connaissent parfaitement le chemin du duende. Quelle troublante ambivalence! Le documentaire est agrémenté d' archives sonores dont le magnifique passage où l'on écoute Camaron accompagné par Miguel. Parmi les artistes qui sont interviewés, nous citerons Paco de Lucia, Enrique Morente, Arcangel, Chano Dominguez, Carmen Linares et Estrella Morente. Suite à ces interviews et sous la houlette du cantaor Arcangel, de nombreux artistes se mobilisent pour réaliser un concert d'hommage en faveur de Miguel, concert qui a lieu le 7 novembre 2009, au Palacio de Deportes de Huelva et auquel son neveu Tomatito participe aussi. Les bénéfices de ce concert sont reversés à la famille de l'artiste afin qu'il retrouve santé et dignité. Quelque temps après, la municipalité se mobilise à son tour et ouvre les portes du Théâtre Central de Séville et offreà Miguel la possibilité de réaliser un concert dans ce théâtre; le concert a lieu le 29 novembre 2011, devant plus de 4000 spectateurs et aficionados. Cet évènement historique reste gravé dans les annales de l'univers du Flamenco! Depuis, Miguel mène une vie plus saine... il continue de jouer de la guitare et aurait même un projet d'album...
Nous saluons le talent des réalisateurs Benoît, Chechu et Anabelle qui ont su restituer avec objectivité, délicatesse, respect et sans voyeurisme, la vie de cet artiste au talent immense. Bouleversants, ces documentaires révèlent la dureté et l'âpreté du quotidien de Miguel , musicien que son destin a laissé au bord du chemin et qui n'en demeure pas moins un guitariste exceptionnel. Grace à ces documentaires, Miguel retrouve la place qu'il mérite, la place qui est sienne, c'est à dire celle d'un Génie et, malgré son regard perdu dans ses tourments, une lueur brille dans ses yeux: c'est la manifestation du duende qui l'habite et qui ne l'a jamais quitté...